A. Holenstein u.a. (Hrsg.): Politische, gelehrte und imaginierte Schweiz

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Titel
Politische, gelehrte und imaginierte Schweiz. Kohäsion und Disparität im Corpus helveticum des 18. Jahrhunderts


Herausgeber
Holenstein, André; Jaquier, Claire; Léchot, Timothée; Schläppi, Daniel
Reihe
Travaux sur la Suisse des lumières (20)
Erschienen
Genf 2019: Editions Slatkine
Anzahl Seiten
385 S.
Preis
CHF 46,15
von
Simona Boscani Leoni, Historisches Institut, Universität Bern

Le livre regroupe les actes du colloque organisé à Neuchâtel du 23 au 25 novembre 2017 par la Société suisse pour l’étude du XVIII e siècle. Dans son introduction, André Holenstein met en évidence la complexité ainsi que les asymétries du Corpus helveticum au XVIII e siècle et souligne les disparités économiques, sociales et de distribution de la population entre les différents cantons. C’est à l’intérieur de ces disparités que se développe un discours national-patriotique à l’époque moderne.

La première section de l’ouvrage («La Suisse et l’étranger: représentations croisées») est introduite par l’article d’Elisabeth Salvi. Elle analyse les relations diplomatiques des Républiques suisses au début du XVIII e siècle et l’activité du gentilhomme vaudois et agent impérial François-Louis de Pesme de Saint-Saphorin qui incarne, selon Salvi, «les paradoxes de la culture politique helvétique» (p. 51). Michael Böhler insiste, lui, sur le rôle identitaire de l’utilisation, dans les cantons germanophones, d’une «langue suisse» contre l’emploi considéré comme «artificiel» de la langue allemande. Quant à Roger Smith, il met en lumière les institutions de la communauté suisse à Londres et souligne la création d’une identité propre à cette communauté à travers l’appartenance confessionnelle et l’utilisation de symboles républicains. Le poème descriptif Passage du Mont Saint-Gothard de la duchesse Georgiana Spencer Cavendish (1757–1806) est l’objet de l’étude de Patrick Vincent. Le poème a ciruclé largement en Europe et a contribué à la diffusion du mythe d’une Suisse libre et heureuse dans une version patriarcale et conservatrice qui reniait la Révolution française. Timothé Léchot, lui, se concentre sur le rôle de la Société helvétique «pour raffermir l’union des Suisses» (p. 99) et met en évidence, entre autres, le rôle critique du juriste français Marie Jean Hérault de Séchelle (1759–1794) dans le contexte des assemblés de la Société en 1790. Enfin, Alexandre Fontaine propose une analyse des études de Marc-Antoine Jullien (1775–1848) qui est considéré comme le père de l’éducation comparée. Pour ce dernier, la Suisse est une sorte d’Europe en miniature sur laquelle fonder le développement de ses théories.

La deuxième section du livre, intitulée «Espaces politiques», est ouverte par la contribution d’Andreas Würgler qui considère la carte de l’Ancienne Confédération du naturaliste et médecin zurichois Johann Jakob Scheuchzer (1672–1712), produite lors d’un moment de crise politique et confessionnelle (la deuxième guerre de Villmerger, 1712), et souligne que cette carte isole le territoire helvétique du reste de l’Europe à travers la représentation de ses merveilles naturelles. Le bourgmestre zurichois Johann Jakob Leu, auteur du fameux Allgemeines Hevletisches, Eydgenößisches oder Schweitzerisches Lexikon (1747–1765), est l’objet de l’article de Nikolaus Linder qui analyse l’Eydgenößisches Stadt- Und Landrecht (1727–1746) dans lequel Leu présente l’Ancienne Confédération comme un espace juridique unitaire et autonome. Le rôle des pays alliés dans la construction d’un «territoire suisse» est approfondi dans la contribution de Nadja Ackermann, Peter Lehmann et Nadir Weber. En particulier, les auteurs considèrent l’activité diplomatique du genevois Charles Pictet de Rochemont (1755–1824) et du patricien neuchâtelois Jean-Pierre de Chambrier d’Oleyres (1753–1822), ministre plénipotentiaire du roi de
Prusse Frédéric II à Turin et pour la Confédération. Son activité diplomatique est marquée par une double attitude: d’un côté, obtenir de la Prusse le respect de l’existence territoriale de la Confédération, de l’autre, garantir à Neuchâtel l’intégration dans le Corpus helveticum comme pays allié. Les rapports entre les savants vaudois et l’helvétisme sont l’objet l’article de Damiano Bardelli qui signale les différences entre la génération de Loys de Bochat, de Gabriel Seigneux de Correvon et d’Abraham Ruchat, qui était mieux intégrée dans les réseaux savants suisses par rapport à la génération active à la fin du siècle, quand le latin avait désormais perdu sa fonctionne de lingua franca, et remet en question le rôle de l’helvétisme à la fin du XVIII e siècle. Roger Francillon consacre, lui, sa contribution au doyen Philippe-Sirice Bridel et à ses Étrennes helvétiennes ainsi qu’à son Conservateur suisse. Dans ces ouvrages, Bridel donne une image irénique de la Suisse et de la liberté des vieux Suisses, qui est – dans sa conception – complètement différente de la liberté des révolutionnaires français.

La troisième section «Espace naturel et géographique» débute par une réflexion de Hans-Ulrich Schiedt consacrée au système des routes et des transports où il explique le développement du réseau routier après 1750 et son amélioration grâce à l’intervention des Cantons qui voulaient faciliter les échanges et le commerce au niveau transrégional et international. Gerrendina Gerber-Visser et Martin Stuber se concentrent sur la réponse du pasteur et naturaliste Bernois Jakob Samuel Wyttenbach (1748–1830) à une question mise au concours par la Société économique de Berne sur l’état de la recherche naturaliste dans l’Ancienne Confédération en 1778. Dans son article, paru dans le «Magazin für die Naturkunde Helvetiens», dont le rédacteur était Johann Georg Albrecht Höpfner (1753–1813), Wyttenbach soulignait l’utilité sociale de l’étude de la nature et la richesse de la nature de la Suisse. La montagne comme rempart est le thème de la contribution d’Alain Guyot. L’auteur souligne le développement de cette métaphore architecturale surtout parmi les écrivains suisses qui l’utilisent pour mettre en valeur la montagne alpine comme élément protecteur contre l’étranger. Une autre dimension de la Suisse est perceptible dans le Voyage historique et littéraire en Suisse occidentale (1781) du patricien, bibliothécaire et bailli bernois Jean-Rodolphe Sinner de Ballaigues. Dans cet ouvrage, Ballaigues propose à ses lecteurs et lectrices des descriptions des plaines et des villes comme des espaces positifs de la sociabilité et évite, en revanche, de décrire les montagnes. Le thème du voyage est repris dans l’analyse d’Adrien Paschoud consacrée aux Lettres physiques et morales (1778) de Jean-André De Luc qui relatent son voyage à travers la Suisse en 1774–1775. Dans ces lettres, le savant genevois donne une image idéalisée des sociétés alpestres qui auraient eu le mérite, selon lui, de «se soustraire aux intérêts privés pour atteindre au seul bien collectif» (p. 281).

La contribution de François Rosset sur le roman suisse au XVIII e siècle ouvre la quatrième section intitulée «Espace culturel». Rosset s’interroge sur les aspects «spécifiquement suisses» des romans et signale la centralité du XVIII e siècle pour la création d’une imagerie littéraire spécifique à la Suisse et à sa population. Les pratiques langagières en Suisse romande entre la fin du XVIII e et le début du XIX e siècles sont le thème de l’article de Sara Cotelli Kureth et de Christel Nissille. Les deux autrices soulignent le développement de régionalismes linguistiques à fonction identitaire qui s’opposent à la norme unique du français standard. Dans son intervention, Roman Bonderer, met en évidence l’absence d’un programme commun d’intégration de la part des Cantons dans la période
entre 1830 et 1848 et souligne l’instrumentalisation de l’histoire suisse par les politiciens de la République helvétique et de la Régénération. Le rôle des religieux catholiques durant la République helvétique est étudié par Mauro Di Cioccio: le clergé, en effet, jouait un rôle de premier plan pour promouvoir le soutien au nouveau régime au sein de la population. Vu la perte des droits politiques et de divers privilèges, les religieux étaient pour la plupart réticents à l’égard de la République, mais, parmi eux, un groupe limité a quand même pu agir comme médiateur entre les citoyens et les dirigeants. Andreas Oefner analyse les sermons de prêtres et de pasteurs réformés à l’occasion du Jeûne fédéral. Il montre que, dans le contexte de la Régénération, les approches des religieux étaient divergentes et ceci également à l’intérieur de la même confession.

L’ouvrage rassemble des contributions pluridisciplinaires qui vont de l’histoire politique et de la diplomatie à l’histoire de la langue, de la cartographie et des sciences et montre la complexité, l’ambivalence et les divergences entre la dimension nationale et cantonale qui ont marqué l’histoire de l’Ancienne Confédération au XVIIIe siècle et influencé l’histoire de la Confédération jusqu’à nos jours.

Zitierweise:
Boscani Leoni, Simona: Rezension zu: Holenstein, André; Jaquier, Claire; Léchot, Timothée; Schläppi, Daniel (dir.): Politische, gelehrte und imaginierte Schweiz. Kohäsion und Disparität im Corpus helveticum des 18. Jahrhunderts; Suisse politique, savante et imaginaire. Cohésion et disparité du Corps helvétique au XVIIIe siècle, Genève 2019. Zuerst erschienen in: Schweizerische Zeitschrift für Geschichte 72 (2), 2022, S. 288-290. Online: <https://doi.org/10.24894/2296-6013.00108>.

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